Street Art & Récit
en Europe et dans le Monde
Seminar 2017 NSAP #3
Liliane Louvel
Professeur émérite. Université de Poitiers
La relation entre texte et image est complexe ; elle implique une translation, comme une traduction d'un medium à l'autre, voire une délicate négociation. Depuis l'antiquité, l'ekphrasis, exercice rhétorique de haute volée (Ruth Webb), a consisté à "mettre sous les yeux un objet absent" (Heffernan). Elle s'est appliquée aux objets d'art en particulier, du moins dans le monde anglo-saxon (Mitchell). Nombreux sont les romans qui incluent des images soit par le biais de l'ekphrasis (H. James, Tracy Chevalier, V. Woolf) soit en les incluant matériellemnt dans les ouvrages : comme chez Sebald, Danielevsky, Vincenzo Consolo, ou Ransom Riggs' Miss Peregrine's Peculiar Children qui a son tour a donné naissance à un film. Trajet complexe d'un livre à images vers un film d'images.
Passer du texte à l'image implique l'opération inverse qui consiste à aller des mots vers l'image. Que choisir ? comment choisir ? Comment les "rendre" ? Ernest Pignon-Ernest a choisi d'incarner la poésie en transférant sur les murs des villes les portraits de poètes dont le travail contenait une dose de rébellion (Rimbaud, Genet, Pasolini). Il s'est aussi inspiré des textes des grandes mystiques, elles-mêmes écrivaines, pour dessiner les grands corps tourmentés de l'installation "Extases". Mais l'histoire ne s'arrête pas là puisque ces poètes et poétesses et son travail sur les murs ont à leur tour donné naissance à des textes de poètes comme André Velter par exemple. On le voit, le tourbillon créatif qui agite la relation entre textes et images n'en finit pas de tourner pour le plus grand plaisir des critiques.
De l'image au texte et du texte à l'image. Tourbillons de mots, échos d'images
Florence Salanouve
Doctorante. Université Nice Sophia Antipolis
Du street art à la bibliothèque : représentations et perspectives critiques
Le propos, qui est celui d’une professionnelle des bibliothèques s'inscrivant dans une perspective critique, vise à développer un questionnement autour de l’articulation entre la bibliothèque en tant qu’institution et le street art. Comment le street art peut-il contribuer à changer radicalement l’image de la bibliothèque ? Il s’agira d’analyser notamment la manière dont les bibliothèques contribuent à mettre en exergue/ exposer le street art.
Nathalie Heinich
Professeur. Directeur de recherche au CNRS
L’on oublie trop souvent qu’avant d’être considéré comme un genre de l’art contemporain, le street art a d’abord été une pratique délictueuse, réprimée en tant que « tag » ou « graffiti ». Comment le « graffeur » est-il passé du poste de police à la galerie d’art, voire au musée ? C’est la première question qu’il convient d’élucider, grâce à la problématique de l’artification, ou passage du non-art à l’art.
Dans ce processus, les discours jouent bien sûr un rôle majeur, de même que dans l’art contemporain. Ce sont eux, essentiellement, qui assurent non seulement le passage du graffiti au street art, mais aussi le passage de celui-ci à l’art contemporain. Dans cette perspective, le rôle du sociologue ne consiste pas à décréter si le street art est ou n’est pas de l’art, ni s’il est ou n’est pas de l’art contemporain : il consiste à analyser les processus par lesquels les différentes catégories d’acteurs organisent ces passages, et les valident – ou pas.
Le Street Art, de l’artification à l’art contemporain
Vittorio Parisi
Doctorant. Université Panthéon-Sorbonne
The art of rebellion? La valeur politique du street art entre storytelling et factualité
Le récit dominant du graffiti writing et du street art semble inscrire ces deux phénomènes au terrain assez hétérogène de l’artivisme. Effectivement, l’acte de peindre dans la rue, ou plus généralement de sortir l’art de ses récipients institutionnels pour le renverser dans l’espace commun de la ville, a des implications politiques évidentes. L’histoire du writing newyorkais des années 1970 et celle de l’art urbain français de cette même période ne font pas exception à cette règle. Cependant, les formes de reconnaissance progressives (commerciale, médiatique, institutionnelle...) dont le graffiti et le street art ont été l’objet durant les décennies, nous obligent à reconsidérer le caractère subversif qui, souvent, leur est encore associé. Le risque étant que la valeur politique de ces derniers ne s’avère être finalement qu’un lieu commun, nous focaliserons notre regard sur plusieurs cas spécifiques : quelles véritables retombées sociales a aujourd’hui un festival de street art en banlieue ? Quelle est la puissance politique effective d’une affiche produite par Shepard Fairey ? Et celle d’un artiste qui efface sa propre fresque en signe de protestation ? Et encore, devrait-on interpréter le simple tag vandale comme un acte de révolte ?