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Seminar 

Street Art Europe

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Les œuvres de Street Art ont vocation à être in situ, c’est-à-dire réalisées dans un endroit précis et un contexte bien déterminé, pour cet endroit précis et par cet endroit précis. Certains artistes considèrent en effet que ce sont les lieux qui font l’œuvre, tel Ernest Pignon-Ernest, pionnier du mouvement en France et ailleurs. L’œuvre de l’artiste n’éclaire pas seulement le lieu, elle tire aussi son sens et son impact du lieu, dans un jeu de miroirs où l’on ne sait plus où est l’image et où est l’objet. Il s’agit donc d’un art intrinsèquement contextuel.

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Cependant, plusieurs facteurs concourent à contrecarrer la spécificité locale des productions. En premier lieu, les artistes visent souvent une dissémination à large échelle, souvent internationale, sans nécessairement prêter à leurs œuvres de signes distinctifs en fonction de leur emplacement. Songeons au cas d’Invader. C’est que l’une des sources du mouvement est sans conteste le Graffiti Writing, qui consiste d’abord et avant tout à apposer son tag dans un nombre d’endroits le plus élevé possible. La reproduction est d’autant plus dans l’ADN du mouvement qu’il dérive aussi incontestablement du Pop Art. Le Street Art porte en somme en lui une logique de marquage territorial sériel qui exerce une poussée opposée à sa vocation in situ.

 

Par ailleurs, l’énorme succès que rencontre le genre Street Art à l’échelle planétaire favorise la circulation mondiale des artistes les plus connus et appréciés dans le cadre de commandes d’art urbain. Par exemple Shepard Fairey alias Obey est régulièrement invité à réaliser des œuvres à Paris, comme lors de l’exposition Earth Crisis à la suite de l’attentat de novembre 2015 et parallèlement à la tenue de la COP21, ou dans le 13e arrondissement à l’initiative de la galerie Itinerrance. Au demeurant, les sociétés où les artistes circulent sont de plus en plus homogénéisées culturellement et dominées par des problématiques dont les dimensions sont évidemment planétaires, comme le réchauffement climatique.

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Enfin, nombreux sont les artistes qui manifestent un goût caractérisé pour le voyage. Ainsi Julien Malland alias Seth se définit-il lui-même comme un Globe Painter. Cet aspect a sans doute partie liée avec le terreau commun de ce qu’on pourrait appeler la philosophie du mouvement, quoiqu’elle n’ait jamais été délibérément théorisée, pour des raisons qui tiennent aussi à certains de ses principes mêmes, en particulier un attachement radical à la liberté individuelle allié à des valeurs de coopération, d’échange et de solidarité. L’héritage des hobos graffitistes des années 1910-1920, de la Beat Generation et des mouvements contre-culturels des années 1960 apparaît difficilement adaptable au temps présent, mais il semble bien que nos street artists voyageurs gardent l’idéal chevillé au corps du voyage ou peut-être de l’errance comme seul outil de connaissance d’autrui et, surtout, de soi.

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Dans quelle mesure les exigences contextuelles de l’art in situ sont-elles compatibles avec les dynamiques globales d’un genre qui s’est imposé dorénavant à échelle mondiale ? Le Street Art plonge ses racines autant en Europe (Dada, Futurisme, Situationnisme…) qu’aux États-Unis (Ashcan school, Action Painting, Graffiti Writing, Haring, Basquiat, Holzer, Kruger…), sans même considérer d’autres sources certainement influentes en dehors de ces deux grands pôles : y a-t-il alors une spécificité européenne des œuvres produites en Europe ? Telles sont les problématiques centrales qu’aborderont les communications du deuxième séminaire de recherche du Nice Street Art Project pour sa 4e édition (NSAP 2018 #4).

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Photo: Berlin (DE) Credits: Edwige Comoy Fusaro

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